On ne voit jamais deux soirs de suite un même spectacle. Il change obligatoirement, le théâtre étant un art vivant. Avec Littoral – écrit et mis en scène par Wajdi Mouawad – à voir jusqu’au 18 juillet 2020, c’est encore plus vrai. En effet, il y a deux distributions différentes : une majoritairement masculine et une majoritairement féminine.
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Littoral est le premier opus de la tétralogie « Le sang des promesses » (Incendies, Forêt, Ciels). Il raconte l’histoire de Wilfrid (Maxime Le Gac-Olanié) (devenue Nour (Hatice Özer) dans la distribution majoritairement féminine) qui reçoit un appel à trois heures du matin, lui annonçant que son père (Gilles David de la Comédie-Française / Patrick Le Mauff) est mort. Il va devoir lui trouver une sépulture, et apprendra par ce biais l’histoire de cet homme qu’il n’a que peu connu. Wilfrid va se décider à enterrer son père dans son pays natal. Il découvrira alors un pays décimé par la guerre, où il n’y a plus d’espoir. « Longtemps j’ai marché en répétant mon prénom parce qu’il n’y avait plus personne pour le dire ». En enterrant son père, il enterre tous les morts du pays ainsi que les morts de ses nouveaux amis Simone (Lucie Digout / Hayet Darwich), Amé (Yuriy Zavalnyouk / Darya Sheizaf), Sabbé (Paul Toucang / Théodora Breux), Massi (Emmanuel Besnault) et Joséphine (Lisa Perrio / Julie Julien).
La pièce commence sur un plateau nu, à l’exception d’instruments de musique se trouvant à cour (gauche pour les spectateurs) et jardin (droite pour les spectateurs). Le public est enveloppé dans la fumée, comme si nous entrions dans un songe. Arrivent les comédiens qui vont s’installer, prendre leurs accessoires, s’habiller et délimiter avec du scotch l’espace de jeu. Les accessoires et les costumes descendent des cintres, ce qui rappelle la mise en scène de Jacques Allaire des Habits neufs de l’empereur de Hans Christian Andersen à la Comédie-Française en 2011.
La musique, jouée en live, accompagne et rythme la pièce. La lumière permet de figurer les lieux où l’on se trouve et le temps qui passe.
Il y a une vraie esthétique dans cette mise en scène. Cela se voit notamment lorsque Wilfrid s’imagine jouer dans un film (on voit le reste des acteurs imiter une caméra, une perche… comme s’ils filmaient) et lors de tableaux (lorsque les acteurs marchent à travers la montagne, courent…).
Littoral est une pièce difficile à comprendre : il y a une véritable confusion entre les morts, les vivants et les rêves. Wajdi Mouawad, en présentant la programmation 2020 disait que « la réponse est nécessairement dans l’ombre. Jamais dans la lumière ». Et c’est assez vrai pour cette pièce. Finalement, cette pièce, en plus de parler du deuil, parle presque de l’enfance et du passage à l’âge adulte. Il faut grandir car « l’enfance est un couteau planté dans la gorge ». Même si Wilfrid paraît assez âgé, il imagine toujours un chevalier, le chevalier Guiromélan (Maxence Bod) ou chevaleresse Bérengère (Jade Fortineau) qui accoure en cas de danger. En outre, pendant tout son voyage, il continue à parler à son père, afin d’apprendre à le connaître (ce sont ses oncles et tantes qui l’ont élevé, la mère étant en morte en lui donnant naissance). Ainsi, à la fin, il laisse partir son père et son rêve. « Le rêve que tu es m’aveugle trop la vie ».
« L’enfance est terminée, chevalier, et tu vas me manquer ».
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