La vie trépidante de Laura Wilson de Jean-Marie Piemme, mise en scène de Jean Boillot

La pièce raconte l’histoire de Laura Wilson, une jeune femme qui vient de perdre son travail, son appartement et la garde de son enfant. Tout cela la conduit à la pauvreté et à l’alcoolisme. Mais, grâce à son meilleur ami Rachid - chez qui elle a déménagé - et surtout grâce à une œuvre de Brueghel La chute des anges rebelles, elle va « se réveiller » et se battre contre le monde et son cynisme, refuser de tomber dans le populisme et la montée des extrémistes.

La disposition scénographique est frontale, mais le spectateur n’est pas éloigné des comédiens, car ceux-ci brisent le quatrième mur, afin de communiquer directement avec nous, les spectateurs.

Les comédiens (Isabelle Ronayette alias Laura, Philippe Lardaud et Régis Laroche qui jouent une vingtaine de rôles masculins ou féminins, et Hervé Rigaud, le musicien de la bande qui interprète à la guitare électrique et au synthétiseur ses propres compositions ou arrangements musicaux) sont toujours sur scène et, quand ils ne le sont pas, on peut les voir grâce à des vidéos projetées sur le mur.

On peut alors se demander comment avec une économie de moyens, on peut partager et suggérer beaucoup, en créant une profonde densité ?

Tout d’abord, plusieurs espaces de jeux sont créés. Le fond scène, à jardin est dédié à une table de réunion et au stockage des costumes. Il symbolise plus tard également un fleuriste. Le fond scène est dédié à l’appartement de Laura Wilson, de son ex-mari puis à celui de Julien. Dans le fond scène, à cour, se trouve un mur sur lequel sont projetées des vidéos. Devant ce mur, se trouve un pouf qui symbolise l’appartement du meilleur ami de Laura. C’est là aussi, qu’elle parle à une affiche lorsqu’elle a un nouveau travail. Enfin, le devant scène est consacré à la télévision. Hors scène, à cour se trouve le nouvel appartement de Laura, que l’on peut voir grâce aux vidéos.

photo de Arthur Péquin

La caméra joue un rôle important dans cette mise en scène. Elle permet d’agrandir le plateau et surtout de rajouter un personnage : l’enfant. On peut également voir, grâce à cette caméra les tableaux de Brueghel que Laura admire au musée (La chute des anges rebelleset à la fin Paysage d’hiver avec patineurs), ce qui permet au spectateur de les découvrir avec Laura et de partager sa vision également si nous ne les connaissons pas et ainsi de ne pas être exclu de la pièce. De plus, chaque comédien a plusieurs rôles ou a plusieurs responsabilités. Cela permet de voir l’ampleur de jeu de chacun. Ainsi le mari de Laura Wilson (Régis Laroche) joue également Rachid, son meilleur ami. Philippe Lardaud joue l’avocat qui enlève à Laura la garde de son enfant, un journaliste, un fleuriste et, à la fin Julien. Hervé Rigaud joue un scénariste - comme tous les autres acteurs – qui imagine à quoi la vie de Laura pourrait ressembler. C’est lui qui a créé les musiques. Le côté « trépidant » est rendu par la musique électro et par les changements constants de situations.

Le metteur en scène, Jean Boillot, qui monte pour la quatrième fois, un texte de Jean-Marie Piemme, utilise cette pièce pour parler des événements du monde actuel, tels la montée des populismes. Mais, il ne fait pas de Laura Wilson un personnage accablé par les malheurs du monde qui entraînent sa chute, mais il en fait une femme « rebelle » qui veut se battre « pour ne plus chuter » et nous donne à voir une pièce très vivante et pleine d’espérance, à l’image de son espérance. À la fin, les acteurs nous chantent un mélange de We are heroes et du Chant des partisans, ce qui ancre cette pièce dans l’actualité et dans la résistance à l’oppression d’où qu’elle vienne. Laura Wilson est un être d’une grande humanité, qui veut sortir de sa solitude et recrée une communauté grâce à la musique et son ouverture au monde. Elle est à l’image de Rosettades frères Dardenne et de Jennifer (Pas son Genre) de Lucas Belvaux, deux femmes incarnées à l’écran par Emilie Dequenne.