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La Dame de chez Maxim, Feydeau

Adonide

Depuis le 10 septembre 2019 se joue au théâtre de la Porte Saint-Martin La Dame de chez Maxim, mise en scène de Zabou Breitman. Pour cette occasion le théâtre a créé un trailer qui ne nous apprend rien sinon la distribution. Cependant, il est très dynamique avec une musique enjouée qui correspond tout à fait au vaudeville et nous donne fort envie de voir la pièce.


C’est la deuxième fois que Zabou Breitman met en scène Feydeau. La première fois, c’était du 13 novembre 2013 au 5 janvier 2014, au théâtre du Vieux-Colombier, à la Comédie-Française pour Le Système Ribadier. J’avais beaucoup aimé et ça me donnait encore plus envie de voir cette deuxième mise en scène.

C’est à la demande de Jean Robert-Charrier, directeur du théâtre de la Porte Saint-Martin que Zabou Breitman s’est attelée à ce Feydeau. Mais, cette aventure aurait pu ne pas voir le jour si Micha Lescot, dont c’est le premier Feydeau, avait dit non. Micha Lescot, petit-frère de David Lescot, est connu pour ses prestations dans Musée haut, musée bas, pièce écrite et mise en scène par Jean-Michel Ribes et pour laquelle Micha a eu, en 2005, le Molière de la révélation théâtrale. On le connaît pour son rôle du Tartuffe, personnage éponyme de la pièce de Molière, mise en scène de Luc Bondy, à l’Odéon, en 2014 et pour son rôle dans Bouvard et Pécuchet, de Flaubert, mise en scène de Jérôme Deschamps, en 2017, au théâtre de la Ville. On voit donc que, si c’est son premier Feydeau, ce n’est pas sa première comédie. Léa Drucker qui joue le deuxième personnage le plus important de la pièce est plus connue pour ses rôles au cinéma. On peut notamment citer son rôle Jusqu’à la gardeécrit et réalisé par Xavier Legrand, sorti en 2017 et pour lequel elle a eu le César de la meilleure actrice. Elle joue également dans L’Homme de sa viede Zabou Breitman, sorti en 2006, et, plus récemment, elle joue avec Guillaume de Tonquédec dans Roxaneréalisé par Mélanie Auffret en 2019.

Dans cette pièce, le Docteur Petypon (Micha Lescot), médecin respectable, a fait la fête jusqu'au petit matin chez Maxim. Son meilleur ami le découvre à midi, endormi, sous un canapé renversé. De la chambre sort la Môme Crevette (Léa Drucker), une danseuse du Moulin-Rouge. Celle-ci est forcée de se faire passer pour sa femme. Elle se pique au jeu et provoque une cascade de quiproquos, d'imbroglios et de coups de théâtre à un rythme effréné. 


Après un retard de dix minutes, les rideaux s’ouvrent enfin. Tout d’abord retentit une sonnerie de porte, qui fait peut-être office brigadier et, on aperçoit enfin le décor d’époque, un décor art nouveau.

Le premier et le troisième acte se déroulent dans un petit salon. Au fond : un lit séparé du reste de la pièce par des rideaux. À jardin, une sortie qui donne sur l’entrée, également cachée par des rideaux, qui ne sont pas les plus beaux que j’ai vus. À cour : trois sorties qui mènent dans la chambre de madame Petypon, et dans deux petits salons. Les murs sont dessinés en trompe-l’œil et l’on peut voir des miroirs et des vases.

Le deuxième acte, lui se passe dans un jardin : il y a une terrasse avec un piano et des escaliers qui mènent à l’intérieur du château et, à cour des arbres symbolisent le jardin. Il fait un peu penser au décor du Jeu de l’amour et du hasard de Marivaux, qui a été mis en scène par Catherine Hiegel de janvier à avril 2018, dans ce même théâtre.

Les costumes sont d’époque et l’on peut tout particulièrement applaudir la personne qui a créé la perruque de Gabrielle Petypon (Anne Rotger), coiffure tout en hauteur et que l’on imagine mal tenir en place dans la vraie vie.

La musique n’est pas d’une grande importance, bien qu’on retrouve celle du trailer à la fin et dans le deuxième acte. Elle a été créée et est jouée par Reinhardt Wagner (la duchesse). La lumière a, elle, un peu plus d’importance : il y a, à un moment de l’orage que l’on voit plus qu’on ne l’entend avec la lumière qui crépite. Elle devient aussi sombre, parfois : au début quand les rideaux de la chambre sont fermés et également dans la nuit quand madame Petypon croit voir des fantômes.

On trouve beaucoup de références à la mise en scène du Système Ribadier, avec la houppette de Micha Lescot qui rappelle la perruque de Laurent Lafitte. De plus, il y a beaucoup de moments où une scène est comme bloquée et rejoue toujours le même morceau de plus en plus vite. Il est aussi évident que c’est une pièce de Feydeau : il arrive que madame Petypon parle espagnol (on ne peut s’empêcher de penser à don Homenidès de Histangua dans la Puce à l’oreille), la chaise qui endort les gens qui s’assoient dessus lorsque l’on presse un certain bouton nous fait penser au « système Ribadier ». Et puis il y a évidemment les jeux avec les noms des personnages :


« LE GÉNÉRAL, à Mongicourt.

Au revoir, monsieur ! enchanté ! vous m’excuserez auprès de madame Mon... ? Mon... ?

MONGICOURT.achevant.

... gicourt !

LE GÉNÉRAL.

Oh ! vous avez le temps ! ce n’est pas autrement pressé ! »


Dans sa note d’intention, Zabou Breitman explique qu’elle souhaite amener Petypon dans une autre réalité, « où tout serait faux, où tout est désespéré mais pas grave, où le théâtre se joue ». Et en effet, elle brise en quelque sorte, à un moment le quatrième mur, en faisant tirer à Micha Lescot un cordon qui lève le décor. En faisant cela, il permet l’entrée de Mongicourt (Christophe Paou) que l’on voit venir tout droit des coulisses.


Ma petite critique, je me permets (« Eh ! allez donc ! c’est pas mon père ! ») : il faudrait qu’il y ait, au début plus de rythme. Au tout début, le fait que les acteurs chuchotent (ce qui fait qu’on ne les entend pas très bien) créé un rythme lent, ce qui paralyse un peu les acteurs qui ne peuvent pas s’amuser. Il faut attendre l’arrivée de la Môme Crevette et surtout du Général (André Marcon) pour que le rythme s’envole. Or, c’est tout de même quand Micha Lescot se lâche que l’on s’amuse le plus (une petite pensée pour la bataille d’épée/doigt digne d’enfants de quatre ans, accompagnée d’une petite musique épique). Mais Léa Drucker n’est pas en reste, surtout dans sa magnifique tenue d’ange constituée d’un drap et d’un abat-jour renversé. Anne Rotger non plus, ne se laisse pas oubliée et passe vraiment pour la plus folle grâce à ses répliques, qu’elle dit de manière très normale, ce qui les rend beaucoup plus amusantes :


« MADAME PETYPON, à son mari et à Mongicourt d’une voix pâmée.

Ah ! mes amis ! j’en viens de la place de la Concorde !... C’est fait !... (Au général.) Il m’a parlé !

LE GÉNÉRAL.

Qui ça ?

MADAME PETYPON.

Celui dont la parole doit féconder mes flancs !

LE GÉNÉRAL,la regarde, étonné, puis.

Qu’est-ce qu’elle raconte ?

MADAME PETYPON, avec élan.

Ah ! Dieu ! Où la volonté d’en haut va-t-elle choisir ses élus ? (Sur le ton dont on débiterait le récit de Théramène.) Il y avait une demi-heure que j’attendais en tournant autour de l’obélisque, quand tout à coup, du haut des Champs-Elysées, arrive à fond de train, au milieu d’un escadron de la garde républicaine... le président de la République, dans sa victoria !... Je me dis, palpitante d’émotion : "Le voilà bien celui que le Ciel devait désigner pour engendrer de sa parole l’enfant qui sauvera la France ! "

LE GÉNÉRAL,la considère un instant d’un œil de côté, puis, au public, affirmativement.

C’est une folle.

MADAME PETYPON, poursuivant son récit.

Voyant en lui l’homme marqué par le destin, je veux m’élancer vers l’équipage ! mais déjà un bras m’a arrêtée ! Comme le vent, au milieu d’un cliquetis d’armes, le Président a passé (D’une voix désappointée.) sans même jeter un regard sur moi ! Et c’est de la bouche du plus humble que je reçois la parole fécondante : "Allons, circulez, madame ! " (Un temps.) L’élu d’en Haut était un simple gardien de la paix ! »


Espérons que le rythme vienne au fur et à mesure des représentations, car comme le dit si bien Zabou Breitman, « le rythme de cette langue, requiert une virtuosité obligatoire».


Et maintenant, rideau !



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